Carnet de balades

La nature : terre de jeux ?

26 mars 2024

En cette période d'anthropocène1 et de 6e extinction de masse, la biodiversité fait partie des sujets prioritaires. Pour autant, l’effondrement de la biodiversité est bien moins médiatisé que la crise énergétique et climatique, sûrement car les solutions pour la résoudre s’avèrent plus structurelles et systémiques que techniques... Et peut-être parce que philosophiquement, l’Homme se considère comme extérieur à la « nature ».

La survie de nombreuses espèces repose sur des équilibres fragiles, menacés par nos modes de vie. Dès lors, il n’existe pas d’activité humaine que nous pourrions négliger, quand bien même elles traduiraient une volonté de se rapprocher de la nature. Les activités de sports et loisirs, d’observation et même d’immersion n’échappent pas à cette règle.

Dans une période post confinement, à laquelle vient s’ajouter une prise de conscience des enjeux environnementaux, les envies de contacts et de rapprochement avec la « nature » se développent. C’est une bonne nouvelle, mais la médaille a un revers...

Nous avons l’expérience des conséquences de ce genre d’engouement : sites naturels dévastés par le tourisme de masse, aménagements de « bases de loisirs pleine nature » avec pour corollaire l’artificialisation des sols et les dérangements de la faune. Nous ne pouvons aborder cette question avec les lunettes du 20e siècle où le sentiment de pouvoir dompter la nature pour notre confort a atteint son paroxysme et dépassé les limites acceptables.

Pour autant, il n’est pas question de faire de la nature un privilège. Son contact est indispensable à notre épanouissement et notre santé, tant physique que mentale.

La nature est donc un patrimoine commun qui doit rester accessible à tous, tout en étant préservée ! « L’environnement est le patrimoine commun des êtres humains » – Conseil Constitutionnel du 31 janvier 2020.

Mais nous devons toutes et tous la respecter, et cela s’apprend.

En effet la réglementation ne peut pas, et ne doit pas tout faire.

L’éducation à l’environnement revêt donc un caractère indispensable et complémentaire à l’arsenal juridique et réglementaire.

Pour le réseau FRENE², l’Éducation à l’Environnement est une éducation populaire, laïque et émancipatrice qui s’appuie sur la rencontre du vivant et l’action immédiate. Cette éducation participe à la conscience de notre propre place en tant qu’être humain dans la nature et dans le monde. Elle donne les clés de compréhension nécessaires avec pour finalité la responsabilisation et l’engagement des citoyennes et citoyens dans l’action. C’est un acte engageant par lequel l’éducateur invite les personnes qu’il côtoie à être dans la nature, dans leur environnement rural ou urbain, à s’y frotter et s’y confronter… à vivre cet environnement dans sa complexité, à le toucher, le sentir, le parcourir, l’imaginer, l’expérimenter, le comprendre, le penser et le réfléchir, le construire, le modifier ou le conserver…

À l’heure des bouleversements sans égal dont l’Homme est à l’origine, l’enjeu semble donc être de passer d’une nature comme terrain de jeu à une nature, porteuse d’une éducation populaire, émancipatrice et régénératrice.

1 L'anthropocène est l'un des récits, scientifiquement étayé, décrivant les basculements en cours dans les rapports des sociétés humaines à leurs environnements. Au sein de l’Holocène, dernière époque géologique qui dure depuis 10 000 ans, l’Anthropocène peut être considéré comme l'époque de l'histoire de la Terre au cours de laquelle les activités humaines ont un impact significatif et global sur le système planétaire. Source : Géoconfluences

² Réseau français d’éducation à la nature et à l’environnement